La période de cinq années initialement allouée à la collecte de données pour l’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec a officiellement pris fin en 2014, et l’équipe de l’atlas est actuellement pleinement engagée dans un long processus d’analyse des données et de rédaction des rapports qui mèneront à la publication de l’Atlas. Cependant, après 5 années de collecte, il est évident que certaines régions situées au nord du Québec n’ont pas été suffisamment étudiées. Pour les fins de l’Atlas et de la conservation des espèces recensées au Québec, il apparaît donc nécessaire que des équipes de collecte de données soient envoyées cette année encore dans le Nord afin de compléter les données recueillies à ce jour. POQ a en conséquence décidé, pour un nouvelle année, de contribuer à une subvention significative ($27,000) afin de couvrir les frais d’une de ces équipes sur le terrain. Vous pourrez suivre leurs exploits sur cette page ….
Yann et Christophe ont amorcé leurs travaux de terrain vendredi le 5 juin. Leurs déplacements sont visibles sur cette page publique.
http://share.findmespot.com/shared/faces/viewspots.jsp?glId=0gxbqhcYcBIaLyHNZF4vqtYVGUPyV0Gef
Les membres de «l’équipe BPQ 2015» sont Yann Rochepault et Christophe Buidin
Yann Rochepault est ornithologue de terrain depuis vingt ans. En 1996, il devient responsable du baguage des nyctales à l’observatoire d’oiseaux de Tadoussac, poste qu’il occupera pendant 10 ans. Durant ces années, il travaille aussi pour différents chercheurs sur la nidification d’oiseaux boréaux. Par la suite, il effectue la caractérisation des haltes migratoires des limicoles sur la Côte-Nord et à l’île d’Anticosti pour le Service canadien de la faune. Depuis 10 ans, il participe au suivi des limicoles de l’archipel de Mingan. Yann s’implique aussi bénévolement comme rédacteur en chef de la revue du Club d’ornithologie de la Côte-Nord ainsi que compilateur de la banque de données ÉPOQ (Études des populations d’oiseaux du Québec). Il est également le réviseur des données récoltées par eBird pour la Côte-Nord. Il suit un réseau de 130 nichoirs à nyctales en Minganie. Dans cette région, il a aussi formé une équipe de bagueurs afin de participer au Réseau canadien du Plectrophane des neiges. C’est avec enthousiasme qu’il entame sa 5e saison comme atlasseur.
Christophe Buidin est ornithologue de terrain depuis une vingtaine d’années. De 1999 à 2006, il est bagueur à l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac. Il est assistant de recherche pour différents projets sur de la nidification de la Grive de Bicknell, du Pic à dos noir et de la Paruline à gorge grise. Par la suite, il effectue la caractérisation des haltes migratoires des limicoles sur la Côte-Nord et à l’île d’Anticosti pour le Service canadien de la faune. Depuis 10 ans, il participe au suivi des limicoles de l’archipel de Mingan. Christophe est président du Club d’ornithologie de la Côte-Nord depuis 15 ans. Il signe régulièrement des reportages dans le magazine QuébecOiseaux et illustre ses articles de ses propres photos. Il entame sa 5e saison comme atlasseur et la perspective de découvrir de nouveaux territoires le réjouit.
Yann et Christophe feront leurs inventaires dans les parcelles de 10 km X 10 km en vert sur la carte ci-dessous:
1ère semaine
Voilà qu’achève la première semaine de terrain, nous étions à l’ouest du réservoir Manicouagan sous les nuages, la brume et quelques averses. Le soleil n’a fait que de brève apparition, mais nous avons juste perdu une matinée de points d’écoute à cause de la pluie. Comme le temps est encore frais (il y a eu du gel les deux premières nuits), nous avons croisé qu’une poignée de maringouins nonchalants et deux ou trois mouches noires (une bonne affaire!).
Les oiseaux sont tout de même au rendez-vous : nous avons observé 72 espèces. Dont une Nycatle de Tengmalm qui a chanté deux nuits près du campement. Quand un Grand-Duc d’Amérique s’est mis de la partie, elle a trouvé plus prudent de se taire ou de changer de quartier. Nous avons trouvé un nid de Pic à dos noir avec des jeunes dans un chicot dans un boisé qui est passé au feu il y a dix ans. Dans ce secteur, les jeunes feuillus repoussent densément, cette broussaille semblait plaire aux Parulines jaunes alors que souvent elles ne sont pas évidentes à trouver à ces latitudes. Nous avions aussi de bons nombres de Parulines à calotte noire. Par contre, les Parulines masquées se faisaient discrètes alors que d’habitude elles sont volubiles et abondantes dans ce genre de milieu. Pour l’instant, nous n’avons pas vu de grands mammifères, à l’exception d’un Lynx du Canada qui trottinait sur le bord du chemin. Tandis que les chorales de Rainettes crucifères et les trilles des Crapauds d’Amérique berçaient nos nuits.
Semaine 2
Une belle semaine passée juste au sud des monts Groulx. Notre principale voie d’accès est la route 389, les gens de la région la surnomment la Sinueuse. La photo illustre bien que sa réputation n’est pas surfaite.
Toujours pas d’insectes piqueurs, nous n’avions jamais vu ça! On ne se fait pas d’illusions, ils vont finir par nous rattraper, mais pour le moment, nous savourons leur absence. Le sommet des monts Groulx est encore enneigé. Dans les endroits abrités, on trouve aussi de bonnes plaques de neiges ce qui est pratique pour improviser une glacière.
Bonne semaine aussi pour les observations : encore une Nyctale de Tengmalm et un Grand-Duc d’Amérique qui chantaient près du campement. Nous avons aussi entendu les cris gutturaux d’une Grue du Canada. Des Macreuses à front blanc étaient encore en couple, apparemment certaines femelles n’ont pas commencé à couver. Les Chevaliers solitaires semblent aussi au début de la nidification car ils ne s’agitent pas à notre arrivée. Par contre comme à leur habitude, les Grands Chevaliers sont criards et véhéments pour nous faire bien comprendre que nous sommes chez eux. Par ailleurs, nous avons trouvé trois colonies d’Hirondelles de rivage ce qui est intéressant, car il devient de plus en plus rare de croiser cet oiseau en forêt boréale. Notre vedette de la semaine est sans contredit un mâle Arlequin plongeur qui se reposait sur un rocher au milieu des rapides de la rivière Toulnustuc.
Semaine 3
Les deux faits saillants de la semaine sont la visite des sommets des monts Uapishka (ou monts Groulx) et la rencontre avec Michel Denis. Michel est un sympathique ermite qui vit simplement au pied des monts qu’il n’a de cesse de faire découvrir et de protéger. Il y a trente ans, il a défriché les premiers sentiers pour accéder aux sommets. Depuis, il s’assure de leur entretien avec l’aide des bénévoles de la société des amis des monts Uapishka. Pour que cette réserve de la biodiversité soit accessible à tous ceux qui veulent bien prendre la peine de gravir ses pentes. Ici, il n’y a ni tarifs ni enregistrements, comme dit Michel avec un sourire en coin : « on est libre, libre de se perdre ».
L’ascension des monts est plutôt rude, mais cela vaut la peine. La montée se fait principalement dans une forêt d’épinettes et de sapins. Quand nous passons les 800 mètres d’altitude, les arbres se font plus malingres et puis deviennent carrément rabougris. Les plaques de neiges parsèment le paysage et les bourgeons des frêles Bouleaux glanduleux viennent juste d’éclore. Au ras du sol, les plantes arctiques-alpines fleurissent enluminant le tapis de lichen et de mousses. Nous voilà arrivés dans le domaine de la Paruline rayée et du Bruant à couronne blanche. Nous poursuivons nos explorations chacun de notre côté. Yann me fait signe, il vient d’entendre les cris chevrotants d’un Lagopède des saules. Nous tentons de trouver l’oiseau qui se dissimule dans un dense bosquet Saint-Michel. Puis d’un coup, nous l’apercevons à découvert. En fait, il s’agit d’un couple, le mâle suit jalousement la femelle tout en béguetant. Plus loin sur le mont Jauffret qui culmine à 1052 mètres, nous assistons aux envolées musicales de la parade des Pipits d’Amérique et entendons le chant éthéré des Alouettes hausse-col… Nous avons bien atteint un îlot de l’Arctique.
Semaine 4
Cette semaine nous étions au nord du 52e parallèle dans la région de Fermont. La première journée, il est tombé une bonne pluie. Nous en avons profité pour visiter le fameux Mur qui protège la ville des vents du Nord et abrite des appartements, un hôtel, un centre d’achat (une épicerie et quelques commerces) ainsi que les services administratifs et communautaires de la ville. Disons qu’après un moment, vadrouiller dans les couloirs du Mur, ça devient un peu déprimant. Il y avait bien la piscine qui nous tentait, mais elle était fermée quand nous avions du temps à perdre…
À la première éclaircie, nous avons filé sur le terrain. À cette latitude, on est vraiment dans la Taïga : les lichens à caribou couvrent le sol, les arbres poussent à plusieurs mètres les uns des autres, tandis que de petits arbustes forment des buissons épars. Les tourbières se sont révélées des plus intéressantes, car à côté des habituels Grands Chevaliers, il y avait des Bécassins roux, des Bécasseaux minuscules et des Petits Chevaliers. Tous s’agitaient en notre présence mais aucun n’est aussi virulent que les Grands Chevalier qui nous invectivent toujours copieusement. Nous avons eu un coup de cœur pour les Bécasseaux minuscules, qui venaient bredouiller au-dessus de nos têtes, se percher quelques instants sur une épinette en criant, puis ils tentaient de nous entrainer loin de leur nid en mimant le vol malhabile d’un oiseau blessé pour disparaitre dans la végétation basse en poussant des petits cris de détresse. Par ailleurs, quand nous avons arpenté les tourbières le temps était nuageux et plutôt chaud : les mouches se sont bien régalées (et oui, elles nous ont rattrapé).
Semaine 5
Nous voilà de retour dans les premières parcelles que nous avons couvertes à la recherche d’indices confirmant les nidifications. En ce qui concerne la météo, c’est la pire saison d’Atlas que nous avons connue : c’est très souvent nuageux et les journées sans averses sont rares. Par contre, du côté des insectes piqueurs, il y en a bien sûr, mais nous avons connu bien pire.
En ce moment, les passereaux s’affairent à ravitailler leur nichée et nous croisons à l’occasion des couvées de Tétras du Canada et de Gélinotte huppée. En visitant de nouvelles tourbières, nous avons retrouvé des Petits Chevaliers, des Bécasseaux minuscules et des Bécassins roux. Par ailleurs, nous sommes retournés à l’endroit où avions vu le mâle Arlequin plongeur. Cette fois, nous observons une femelle. Elle est posée sur une roche ronde assez loin en aval de nous. Elle a une drôle de posture, les ailes baissées et entrouvertes. Nous suspectons qu’elle protège des poussins, enfin, une petite boule de duvet plus petit que le poing émerge du dessous l’aile. Le maladroit glisse du galet et tombe à l’eau. Nous avons un moment de frayeur pensant que le jeune va être emporté par les flots, mais non, il remonte sans difficulté se mettre à l’abri. Quatre autres petites têtes à joue blanche font leur apparition à travers le plumage de la cane. La famille commence à s’activer et se jette à l’eau. Les poussins s’alimentent dans le clapotis le long de la berge tandis que la femelle les surveille de roche en roche. Après un moment, elle décide de traverser la rivière entrainant sa couvée avec elle. Les poussins ne nagent pas, déjouant les rapides, ils courent sur les flots et ne sont pas le moindrement déportés par le courant. Les petites boules de duvet remontent le courant en longeant la rive nageant et pédalant dans les remous, escaladant les roches et autres obstacles avec une agilité déconcertante. En quelques minutes, ils ont parcouru les trois cents mètres qui nous séparent. La petite famille passe en avant de nous et poursuit son chemin disparaissant de notre vue.
Semaine 6
Voilà une nouvelle saison d’atlas qui achève… Et notre tente aussi, le zipper de notre dernière entrée fonctionnelle (une fenêtre à l’origine) ne tient plus qu’avec des pinces à linge, les autres ayant brisé auparavant nous les avions condamnés en les cousant pour éviter les intrusions de maringouins. Ces derniers jours, nous avons revisité le secteur des monts Uapishka et la région aux alentours de l’ancienne ville minière de Gagnon. La mine abandonnée offre de drôle de paysages : les anciennes fosses d’extraction ressemblent maintenant à des lacs tandis que les résidus forment des collinesoù s’accrochent de-ci de-là des arbusteschétifs. L’une d’ellesest un immense plateau colonisé par des Dryades de Drummond, cette plante arctique-alpine donne à l’endroit un air de toundra. Une autre fait uniquement sable est complètement dénudé et évoque plutôt les dunes du Sahara. Dans un secteur de gravier avec des lichens et une végétation éparse, nous avons trouvé un couple de Pluvier semipalmé. La veille, nous avions observé deux familles de cet oiseau dans une gravière.
Bien entendu, nous sommes remontés sur les monts Uapishka. Nous y avons croisé deux Lagopèdes des saules mâles. Un bon nombre de Bruants de couronne à blanche chantaient encore entre deux nourrissages des poussins. Autour du mont Jauffrey à 1000 mètres d’altitude, il y avait plusieurs couples de Pipit d’Amériquequi ravitaillaient leur nichée. Nous avons aussi découvert un nid de pipit contenant des œufs, celui-ci ressemblait à une petite grotte creusée dans une touffe de lichen qui poussait au pied d’un gros rocher.
… et, pour terminer: